Succession et indivision : apports de la loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 dite « loi Letchimy » visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale

La loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 dite « loi Letchimy » applicable à Saint-Barthélemy, s’attaque à une problématique ancienne, celle de l’indivision, dont chacun mesure, les effets négatifs sur le développement économique et social.

Nombre de situations d’indivision sont devenues inextricables, car elles résultent de dévolutions successorales non réglées, parfois même non ouvertes, sur plusieurs générations. En effet, l’unanimité est particulièrement difficile à obtenir en raison du nombre des indivisaires et de leur éparpillement géographique notamment, ce qui bloque tout projet de vente ou même de réhabilitation des biens.

Il en résulte un foncier gelé, des immeubles à l’abandon, des appropriations abusives, bref, un désordre réel découlant du désordre juridique initial.

En réponse, les pouvoirs publics ont longtemps renvoyé à l’application des règles de gestion de l’indivision de droit commun, fondées sur la règle de l’unanimité ou des deux tiers des droits indivis.

À force de ténacité des élus d’Outre-Mer et par suite du législateur pour débloquer les situations d’indivision, la loi du 18 décembre 2018, initialement proposée par le député Letchimy, a su préserver – c’est essentiel – le respect du droit de propriété et du principe d’égalité devant la loi en mettant en place un dispositif dérogatoire et temporaire de sortie d’indivision, applicable jusqu’au 31 décembre 2028.

D’aucuns semblent estimer que les décisions prises sont simples et compréhensibles, les dispositions législatives et réglementaires claires et de bon sens.

Ayant trouvé l’équilibre juridique entre sécurisation des droits fonciers et adaptation des règles de droit commun aux caractéristiques et aux contraintes spécifiques des territoires d’outre-mer, la présente loi prévoit ainsi :

  • un abaissement à 51 % des ayants droit du plancher à partir duquel une vente ou un partage par voie non judiciaire est possible, si aucun recours n’est exercé, pour les successions ouvertes depuis plus de dix ans.
  • la possibilité ouverte, sans limites dans le temps, à 51 % des indivisaires au moins, au lieu de deux tiers auparavant, d’effectuer diverses opérations, comme des actes administratifs relatifs au bien indivis, le renouvellement des baux, la vente des meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision, etc..
  • une meilleure approche des formalités de publication de diverses opérations relatives à l’indivision ainsi que l’exonération temporaire du droit de partage des opérations prévues par le dispositif dérogatoire.

Nous souhaitons nous arrêter sur le premier point, objet de l’article 1er de la loi, qui dispose que :

« Pour toute succession ouverte depuis plus de dix ans, le ou les indivisaires titulaires de plus de la moitié en pleine propriété des droits indivis peuvent procéder, devant le notaire de leur choix, à la vente ou au partage des biens immobiliers indivis situés sur le territoire desdites collectivités, selon les modalités prévues à l’article 2 de la présente loi. »

La loi introduit ainsi une simplification et une rationalisation permettant aux territoires ultramarins de sortir de la rigidité propre à l’indivision. Elle rend le partage plus simple, en autorisant son déclenchement à la majorité et non plus à l’unanimité.

Par conséquent, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin notamment, les indivisaires majoritaires pourront procéder à la vente ou au partage des biens, tandis que le droit commun lui impose l’unanimité des indivisaires pour de tels actes.

Toutefois, poursuit l’article 1er de la loi, ce dispositif ne s’applique pas si l’un des indivisaires se trouve dans une situation de faiblesse protégée par la loi.

Ainsi 3 cas exigent toujours l’unanimité :

  • Le bien immobilier indivis constitue le lieu d’habitation du conjoint survivant ;
  • L’un des indivisaires est incapable (mineur ou majeur protégé) sauf sur autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille ;
  • En absence présumée de l’un des indivisaires, sauf autorisation du juge des tutelles dans les conditions prévues à l’article 116 du code civil.

Dans un souci de sécurité juridique, l’article 2 de la loi soumet ce dispositif dérogatoire à une obligation d’informations.

En effet, « le notaire choisi pour établir l’acte de vente ou de partage dans les conditions prévues à l’article 1er en notifie le projet par acte extrajudiciaire à tous les indivisaires et procède à sa publication dans un journal d’annonces légales au lieu de situation du bien, ainsi que par voie d’affichage et sur un site internet ».

La notification de vente doit contenir des informations telles que l’identité des indivisaires, l’identité de l’indivisaire qui est à l’origine de la vente ou du parage, la quote-part qui revient à chacun, le prix de vente, les indications sur le bien, etc.

En outre, la loi prévoit un délai de 3 mois dans lequel un indivisaire peut s’opposer à la vente ou au partage. Ce délai est porté à 4 mois lorsque le projet de cession ou de partage porte sur un bien immobilier dont les quotes-parts sont détenues par au moins dix indivisaires ou lorsqu’au moins un indivisaire a établi son domicile à l’étranger, ce qui est un cas récurrent dans les territoires ultramarins.

De plus, le projet de vente du bien doit être fait à titre onéreux et à une personne étrangère à l’indivision successorale. Mais tout indivisaire peut dans un délai d’un mois exercer son droit de préemption au prix et aux conditions de vente proposés à cette personne étrangère, par acte extrajudiciaire aux autres indivisaires.

Si un ou plusieurs indivisaires s’opposent à l’aliénation ou au partage du bien indivis dans le délai imparti, le notaire le constate par procès-verbal. Et dans ce cas, le ou les indivisaires titulaires de plus de la moitié des droits indivis saisissent le tribunal judiciaire afin d’être autorisés à passer l’acte de vente ou de partage. Le tribunal autorise cette aliénation ou ce partage si l’acte ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.

L’adaptabilité de la loi a enfin été renforcée, puisque le conjoint survivant ou l’héritier copropriétaire peut désormais demander l’attribution préférentielle du droit au bail ou de la propriété, dans les limites du montant de ses droits

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